Histoire de la formation de Florian Bourrassaud
Aujourd’hui, Florian Bourrassaud s’impose petit à petit comme l’un des visages marquants du tennis de table français. Il est vice-champion de France en double messieurs et vient de remporter, en mai 2025, sa première médaille de bronze en doubles messieurs des Championnats du Monde à Doha dans cette même discipline. À 25 ans, il confirme un parcours solide, alliant régularité et ténacité au plus haut niveau. Sa progression n’a jamais été fulgurante, mais patiente, construite sur la durée, la résilience et une rage de vaincre ancrée dès l’enfance.
Et derrière cette réussite, il y a une histoire. Une histoire de club, d’accompagnement, de passion, de transmission. Celle que j’ai eu la chance de vivre avec lui.
Tout a commencé grâce à une rencontre. Son père, Richard, est arrivé dans notre club après qu’un autre lui ait refusé sa mutation. Ce hasard a changé le cours de bien des choses. C’est en accueillant Richard que j’ai croisé la route de Florian. À six ans, il entre dans notre salle, et très vite, il ne la quitte plus. Avec ses frères et sœurs, il accompagne son père aux matchs régionaux du samedi après-midi et il s’imprègne.
Très tôt, nous avons remarqué sa capacité à accrocher la balle, son toucher, son topspin coup droit déjà marqué. Et surtout, son regard : un regard passionné. Pourtant, ce n’était pas le plus discipliné à l’entraînement. Il rechignait, il traînait pour ramasser les balles, il se disait toujours fatigué. Mais au moment de jouer, au moment de se battre, il se transformait.
Il pleurait quand il perdait. Même à six ou sept ans, contre des juniors. Cette exigence envers lui-même m’a interpellé. Elle a été, j’en suis certain, le socle de son mental de champion.
Il faut dire aussi que Florian a su faire les bonnes rencontres au bon moment. Son parcours est jalonné de personnes qui ont marqué son évolution. Annie Leroy, mon binôme depuis toujours, a accompagné avec moi ses entraînements. Maxime Auffret l’a aidé sur la préparation physique. Fabien Lopes et Jérémy Liodenot, joueurs de l’équipe 1, ont été essentiels pour l’emmener sur les tournois et lui offrir une première exposition compétitive.
Et puis Florian a aussi croisé d’autres entraîneurs, en dehors du club , Michel Scapaticci, Raymond N’Gotty, ou encore Christine Loyrion lorsqu’il était au pôle de Lyon, qui ont joué un rôle. Ces passages ailleurs, je ne les ai jamais vus comme une perte, mais comme une continuité. J’ai toujours su qu’il ne resterait pas à Mézériat, et je l’ai accepté. Parce que ce qui comptait, ce n’était pas le nom du club qu’il portait sur le maillot, mais la qualité de son entraînement. Et tant qu’il continuait de progresser, j’étais là.
Nous avions noué une relation de confiance, d’amitié même. Je lui avais promis d’être présent jusqu’à ses 18 ans sur le parcours. De l’aider à progresser, à s’équiper, à se préparer au mieux pour ses grands rendez-vous. De lui ouvrir des portes, de l’accompagner au mieux.
Le suivi vidéo assuré par son grand-père m’a permis d’analyser en profondeur ses matchs, de construire une approche fine, adaptée à ses qualités et ses manques. Il y avait aussi, grâce à mes études en bio-alimentaire, un vrai suivi sur l’alimentation, la récupération. Florian ne mangeait pas de crêpes avant une demi-finale. Il savait que son corps était un outil, qu’il fallait en prendre soin et de ne pas lui demander un effort de digestion en même temps qu’un effort physique et mental d’une grande intensité.
Et puis il faut aussi le dire : Florian, pas tout le monde n’y a cru. Il n’a jamais été retenu en Groupe France Détection. On disait qu’il était trop grand, trop costaud, que sa morphologie serait un frein. Moi, j’y ai vu une force. Un joueur solide, capable de prendre l’ascendant physique, doté d’un coffre qui lui a permis d’enchaîner les efforts, sans se blesser. Mais il a souvent été la cinquième roue du carrosse aussi, et c’est vrai, parce qu’il y en avait des plus forts que lui. Peut-être que ce sentiment d’être écarté, mis de côté, c’est ce qui l’a forgé. Ce besoin de reconnaissance, cette envie de prouver, encore et toujours.
Il n’était pas forcément le plus fort de sa génération. Il y en avait, sur le papier, qui avaient plus de résultats, plus de titres, plus de médailles et qui venaient de plus gros clubs plus proches de la Fédé. Mais où sont-ils aujourd’hui ? Florian, lui, est encore là. Parce que le haut niveau, ce n’est pas d’être bon à l’instant T. C’est tenir. C’est progresser. C’est se relever. C’est durer.
Je pense à des exemples comme Christophe Legout. À ceux qui ont mûri avec le temps. Et je le dis aux éducateurs : ne baissez jamais les bras. Un joueur se construit sur la durée. Ce n’est pas une photo à 12 ans qui dit ce qu’il sera à 20. C’est ce que vous construisez avec lui, chaque jour, qui fera la différence.
Je n’oublierai jamais la médaille de bronze aux championnats de France benjamin. Ni sa victoire contre Joe Seyfried, tête de série, alors qu’il n’était que Junior 1. Mené 3-0, il remonte et gagne 4-3. Il m’avait écouté, il avait appliqué, il s’était arraché. Je me suis dit ce jour-là : il peut tout faire.
Il y a eu des défaites, des critiques, des doutes. Il y a eu des discussions parfois rudes. Mais toujours dans l’intérêt du joueur.
Et puis, il y a eu nos rires. Nos souvenirs partagés. Ceux que je garde pour moi.
Aujourd’hui, Florian est là. Et je voulais simplement en garder une trace. Pour ne jamais oublier ce que représente, pour un éducateur, l’histoire d’un joueur. Son histoire.
Thibault Léchelle Educateur Sportif Co-Président STT Mézériat
Florian Bourrassaud, un parcours de fond et de cœur

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